Historique

Cheminot

Quelques éléments historiques sur le village

Le village est situé à un kilomètre de la voie romaine qui va de Metz à Scarpone et Toul, à droite de la Seille. L'origine de son nom, qui apparaît à l'époque de Charlemagne, vient du mot Caminus (le mot latin de Caminetum) qui lui est donné dans les anciens titres et les chartes du Moyen Age. Il l'a reçu à cause de la proximité du chemin des romains (caminus). On peut donc dire, que le nom d'origine est bien Caminetum, et signifie « position établie près du chemin » ou « établissement placé à côté du chemin ». Du nom ancien Caminetum a été d'abord formé Chaumenat ou Chominot et enfin Cheminot.


De l'époque romaine aux origines de l'église de Cheminot

L'existence d'un cimetière romain et mérovingien près de l'église est suggérée par de nombreux sarcophages en pierre taillée lissée ou brute, en plâtre ou en pierres bleues de pays dressées en rangées compactes, et dont plusieurs comportent des colonnettes d'angle et des décorations d'arêtes de poisson.

Cette haute ancienneté de l'église de Cheminot n'est pas contredite par le nom de son titulaire Saint Maurice. Nous le rencontrons déjà en 1185, avant la reconstruction gothique. Les changements de titulaires sont rares, il est donc permis de supposer que Saint Maurice fut de tout temps le titulaire de Cheminot. L'église est orientée vers l'Est, on peut donc aussi penser qu'elle remplace un temple dédié à Jupiter Serapis.

En Gaule, les classes cultivées vinrent au christianisme au cours du IVème siècle, mais il n'en fut pas de même pour les paysans et il est évident qu'entre un temple romain et l'église, il y a eu plusieurs édifices intermédiaires. Pour mieux marquer le triomphe de la nouvelle foi, les sanctuaires chrétiens furent souvent construits sur l'emplacement des anciens temples. Le cas de Cheminot nous paraît assez semblable. Les découvertes archéologiques effectuées à l'occasion de la reconstruction de l'église après la seconde guerre mondiale on confirmé ce processus de Christianisation.

La proximité de Cheminot et Marly-aux-bois avec la voie romaine allant de Marseille à Cologne via Scarpone (Dieulouard) et Metz, ainsi que de villas romaines en activités jusqu'au IVème siècle, ont permis de découvrir de nombreux vestiges, notamment romains à l'église de Cheminot.

Voici une liste des plus importants vestiges découverts lors de la reconstruction

Une monnaie de Trajan, ainsi que des pièces de monnaie de l'époque gallo-romaine

Une stèle votive de la déesse phrygienne Cybèle (déposée au musée du Louvre à Paris)

Une pierre au poisson (découverte en mars 1951)

Un chancel du VIIIème siècle (déposé au musée de Metz)

Un dauphin en bronze doré

Des restes d'un sanctuaire mithriaque avec une fosse de taurobolisation

Une statuette en pierre de roche

Un bas-relief à jambes obliques du IIIème siècle

Une sculpture sur encorbellement

Des triades masculines et féminines

Une crosse d'évêque en pierre

Les meneaux des vitraux du chœur pourvus de colonnettes qui se rencontrent dans l'ogive

Une clef de voûte sculptée représentant un Christ imberbe

Un serpent sculpté sur une pierre  qui faisait partie du chancel

Un chapiteau cubique roman ou préroman, orné de deux croix grecques, d'un autre symbole de la croix gravée en trait qui représente un trident

De nombreux morceaux de feuillages de figuier, de chêne et d'acanthe


Quelques précisions sur les monnaies découvertes et le chancel

La plus ancienne pièce, bien patinée, est celle de Trajan. Trois autres pièces portent les marques du Senate Consulte SC. Il est remarquable que ces monnaies d'un poids respectable aient été trouvées sur l'emplacement du couvent de Saint Arnould situé près de la villa gallo-romaine. D'autres pièces Julia Augusta Dona en argent et trois de la dynastie Constantinienne ont été retrouvées en dehors de l'enceinte du couvent. Toutes ces pièces sont des preuves incontestables de l'antiquité de la voie romaine. Si les bénédictins du XIIIème siècle revendiquent la possession de l'église ex-antique, c'est que leur propriété à Marly-aux-Bois remonte aussi à l'antiquité.


D'illustres empereurs et légionnaires ont emprunté ce tronçon de route romaine, ainsi que d'illustres moines pèlerins qui ont sûrement profité de l'hospitalité du couvent. Le fragment d'une statue de moine sur angelet pourrait bien commémorer le passage de Saint Bernard à Cheminot.

Le chancel, découvert en trois fragments n'a d’intérêt, que par sa ressemblance avec celui de Saint-Pierre-aux-Nonnains à Metz. L'interprétation est hypothétique, en rapport avec le baptistère dans la travée Est. Le losange rappelait le filet, le serpent entortillé, le serpent entortillé l'hiver et les nœuds réguliers le printemps, le T figurerait le plan de l'église avec le chœur et le transept, la nef actuelle étant l'atrium.


Cheminot, son église et ses trois chartes royales

Parmi les plus anciennes chartes concernant Cheminot figurent celles d'Hildegarde, de Charlemagne et d’Othon 1er.

La charte d'Othon I est datée de l'année 948. Le roi fait don de Cheminot, de Marieulles, d'Ars-sur-Moselle et Norroy-le-Veneur à l'Abbaye bénédictine de Metz. Dans une autre charte, Othon lui offre Saint-Pierre-aux-Nonnains.

La charte la plus connue est celle de Charlemagne, faite au palais royal de Thionville. Elle est datée du jour de l'Ascension 783, deux mois avant la mort accidentelle par noyade de la reine Hildegarde à Millery. Charlemagne y fait don de Cheminot à l'abbaye Saint-Arnould de Metz. Le village de Cheminot y est mentionné aussi par le nom « villa vaccarias » qu'il devait porter précédemment. La villa vaccarias (que l'on peut traduire par vachières ou village aux multiples étables de vaches) se trouve non loin de l'église actuelle au n° 2/4 de la rue Saint Maurice. Malgré toutes ses transformations et destructions successives, elle a gardé sa ressemblance avec les villas gallo-romaine grâce à ses deux ailes.

Après la mort d'Hildegarde, Charlemagne confirme sa dotation à condition d'entretenir à tout jamais la tombe de la reine à l'abbaye de Saint Arnould. Le droit de propriété des moines de Saint-Arnould sur Cheminot a duré un millénaire, jusqu'à la Révolution qui a supprimé la célèbre Abbaye.

A l'époque de Charlemagne, Cheminot était plus grand qu'aujourd'hui. Charlemagne y avait un palais. Ses fondations retrouvées autour du village dans les jardins et les champs, lui donnent trois ou quatre fois plus de surface que le village actuel. Il y avait trois monastères dont l'un appartenait aux Minimes, un autre aux bénédictins qui dépendait de l'abbaye Saint-Arnould de Metz.

En 1139, il y avait déjà une église à Cheminot, mentionnées dans une bulle du pape Innocent II. Sous l'église actuelle, on voit encore une crypte dont la construction doit remonter à l'époque romane. L'abside et le transept de l'église actuelle furent construits sur l'emplacement de l'église ancienne ayant la forme d'une croix grecque, et déjà placée sous le patronage de Saint Maurice.

Les voyageurs de l'ancien temps qui cheminaient sur les routes sans indications allaient souvent droit vers les églises pour s'orienter et continuer leur chemin. Cheminot se trouve sur une presqu’île entourée de la Seille sur les deux tiers et a connu dans les temps reculé un certain trafic fluvial. Tout laisse à conclure que l'architecte du XIIIè a voulu montrer que l'église est un vaisseau qui navigue sur la Seille, car les fondations des piliers à 5,50 m. de profondeur touchent le sable mouillé par l'eau de la Seille.

La construction de l'église de Cheminot a été menée sous les ordres de l'abbé Richer, qui a gouverné le monastère de Saint-Arnould de 1208 à 1229. Lorsqu'il fallut construire l'abside, l'Abbé Richer fit transférer au monastère de Saint Arnould les reliques de Saint Redemptius, premier chrétien de Cheminot, qui fut secrétaire d'état de Charlemagne. Il était invoqué contre la fièvre maligne (peste). Son sarcophage devait se trouver dans la gauche de la crypte. Les reliques furent conservées dans une caisse en bois pendant les travaux de construction, mais un sacristain les égara parmi d'autres ossements, il était trop tard lorsque l'on s'en aperçut.

L'abside est carrée, le chevet penche à droite, cette déviation se remarque fréquemment dans les églises de cette époque. Le transept mesure 14 m près de la nef et 14,80 m près l'abside, il est haut de 13 m. Les murs extérieurs des collatéraux ont élargi la nef à 13,47 m, la longueur totale de l'église est de 27,66 m. La nef, conformément à la coutume de cette époque fut construite par la commune.

Le chevet est éclairé par une fenêtre à ogive surbaissée. Les colonnettes qui l'encadrent et celles qui servaient de meneaux sont annelées. Les bagues qui encadrent la fenêtre du chevet sont sculptées. Cette ornementation est très rare. Dans le meneau Est du Chœur, se trouve ce que l'on peut appeler la crosse de Saint Clément. Sous le chapiteau de la colonnette de droite, deux anges sont sculptés en bas-relief.

Derrière l'autel, dans le mur qui sert de chevet à l'abside, on voit un oculus où brûlait la lampe sacrée. Au-dessus, une monstrance dont l'archivolte est trilobée, servait à exposer les Saint-Sacrement que les fidèles pouvaient apercevoir depuis l'extérieur grâce à quatre fentes pratiquées dans la muraille.

Dans l'abside, trois niches sont pratiquées. La première, surmontée d'un linteau droit servait de sacrarium pour enfermer le Saint-Sacrement lorsqu'il n'était pas exposé dans la monstrance. La seconde, à arcade trilobée, servait et sert encore de piscine. La troisième, plein cintre, servait de sacristie.

La tour carrée, construite sur la croisée à l'intercalaire de la nef et du transept sous l'abside est une crypte dessinée en deux compartiments. Une triple nef, construite d'après les plans de Gauthier, comprend trois nouvelles travées, ce qui fait au total cinq travées en y comptant celle du transept par arche et superposée d'une archivolte dont la nervure est à ogive surbaissée. La voûte de la nef est d’arête à section d'ogive équilatérale, celle des collatéraux est à ogive surbaissée.

Chaque collatéral est éclairé par quatre fenêtres également à ogive surbaissée, la grande nef est éclairée par une rosace à huit lobes au-dessus du tympan qui représente le massacre de la légion thébaine avec son chef Saint Maurice.

Quelques mots sur le sujet des culs de lampe du transept qui datent du XIIè siècle. Celui de Nord-Est est particulièrement instructif du point de vue apologique et liturgique. Le personnage assis est un jeune esclave. Il fait abjurer le Galle et l'Archigalle, reconnaissables aux manches serrées aux poignets et aux aigrettes nouées sous le manteau. Sur deux culs de lampes dans les angles du transept Sud-Ouest et Nord-Ouest, on voit réunies trois têtes de femmes, sur l'autre, trois têtes d'hommes. Iris est la déesse dominante sans le groupe des femmes, les deux autres sont probablement Astarthé ou Cybèle.

Une statue de la vierge se trouve au-dessus de la rosace. Cette statue de 850 kg et 2 m de haut a été réalisée par les professeur Mougin de Paris. Sur les hauteurs extérieures du chœur, les quatre évangélistes sont représentés par leur symbole (lion pour Marc, aigle pour Jean, taureau pour Luc et l'homme pour Mathieu). Sur le faîtage, se trouve le cierge pascal richement orné.

La construction de l'église fut achevée en 1229 et ouvrit le printemps gothique dans le pays messin. L'église de Cheminot est l'un des édifices les plus importants du premier art gothique de la région messine et figure depuis 1888 sur l'inventaire des monuments historiques.

Les ravages des guerres

A de nombreuses reprises au cours des siècles, le village de Cheminot et son église eurent à souffrir des guerres.

L'église fut saccagée une première fois en 1308 par les troupes de l'évêque Renaud de Bar. En 1404, de nouveaux dommages furent portés par Philippe de Norroy et les lorrains.

Le 12 mai 1443, Sire Robert de Commercy vint occuper Cheminot avec 2 500 hommes. Avertis de l'arrivée des messins, ils livrèrent plusieurs assauts à l'église avant de quitter le village. Ils s'en rendirent maître et brûlèrent la nef, mais ne purent pas gagner la tour car elle était défendue par 16 hommes qui combattirent vaillamment et tuèrent 3 assaillants. Le 13 septembre 1444, lors du siège de Metz, suite à la sollicitation du Duc de Lorraine, Cheminot fut occupé par les troupes françaises qui assiégea l'église et la prirent avec tout ce qu'elle renfermait.

Les guerres modernes ont été bien plus dures que celles du Moyen-âge. Pendant la première guerre mondiale de 1914 à 1918, Cheminot a été sans interruption dans le voisinage du front et les obus n'ont évidemment pas épargné l'église. Celle-ci n'a été ré-ouverte aux paroissiens que le 3 juillet 1921.

La seconde guerre mondiale fut la plus dure pour l'église et le village. A l'automne 1944, Cheminot s'est à nouveau trouvé sur la ligne de feu pendant deux mois et cette fois village et église ont failli être anéantis sous les tirs de l'armée américaine. La nef et le chœur de l'église ont été très sévèrement touchés, la tour centrale a été renversée et a entraîné dans sa chute une partie du transept. Deux cloches tombèrent sur le sol, alors qu'une troisième resta suspendue par une poutre au milieu de la nef, ce qui permit de la récupérer.

De nouvelles cloches furent fondues après-guerre à Colmar  par la maison Causard. La plus grosse (do dièse) pèse 2100 kg, la seconde (mi-bémol) 1390 kg, et la troisième (fa) 1000 kg. Elles se firent entendre pour la première fois pour les obsèques de l'abbé Alphonse Zeis décédé le 22 juin 1962.

L'abbé Zeis, père spirituel de la paroisse et de ces lieux historiques a suivi tous les travaux de reconstruction qui ont commencé après-guerre et se sont terminés en 1962. En véritable historien et archéologue dans l'âme, l'abbé Zeis a mis au jour et permis de préserver tous les vestiges et richesses accumulés par des siècles d'histoire.

Nos racines sont dans la pierre de nos villages et les pierres de l'église de Cheminot, monument historique, ont vu défiler sept siècles d'histoire lorraine. Ces quelques lignes prouvent que ce passé historique n'a pas fini d'intéresser les passionnés et ne doit pas être oublié.


Notes et sources – septembre 2005

Quelques vestiges retrouvés lors de la reconstruction de l'église après-guerre se trouvent, au musée du Louvre à Paris, ainsi qu'aux musées de Metz et Sarreguemines.


Ce document a été réalisé à l'aide des archives paroissiales de Cheminot, ainsi que des notes de travail de l'Abbé Zeis (1924 – 1962) prises pendant la reconstruction de l'église.